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L’histoire du dimanche – Henry Potez, génie de l’aéronautique

Avionneur de génie, comment Henry Potez a révolutionné le monde de l’aéronautique dans l’entre-deux-guerres

L’histoire du dimanche – Henry Potez, génie de l’aéronautique, voit le jour à la fin du 19e siècle à Méaulte, dans la Somme. Il aura marqué d’une empreinte définitive la région d’Albert, qui abrite toujours aujourd’hui le site Airbus Atlantic, où travaillent plus de 1 400 salariés. Voici l’histoire de cet homme, réputé pour son savoir-faire managérial et son aptitude à pressentir les tendances du marché.

Il a donné son nom à l’aéroport international Amiens Henry Potez et au lycée professionnel privé Airbus Atlantic, où sont formés les futurs professionnels de l’aéronautique. Ils sont 1 400 à travailler aujourd’hui sur le site d’Albert, dont l’histoire et le patrimoine industriel sont marqués par le génie de l’aéronautique, chef d’entreprise et précurseur du « management motivationnel » qu’était Henry Potez.

L’enfant du pays d’Ancre : l’envol de Méaulte à Paris

Henry Potez naît le 30 septembre 1891 au Domaine du Vivier, à Méaulte, près de la rivière l’Ancre, dans la Somme. Son père est minotier : il possède un moulin à aubes pour la confection de ses farines. La famille vit dans l’aisance et appartient à la bonne bourgeoisie de la ville.

Le jeune Potez fait ses classes dans sa ville natale, ainsi qu’à Albert, puis intègre Supaéro, l’École supérieure d’aéronautique à Paris. Il y fait une rencontre déterminante : il se lie d’une amitié indéfectible, qui perdurera toute sa vie, avec un autre étudiant, Marcel Bloch. Celui qui deviendra, après la Seconde Guerre mondiale, Marcel Dassault.

Marcel Dassault, né Bloch (à gauche) et Henry Potez (à droite), en 1968 • © UPI / AFP

À leur sortie d’études, les deux amis feront leurs premières armes en tant qu’ingénieurs, chez Caudron, dans la Somme : chez deux frères, deux pionniers de l’aviation française, qui possèdent une usine de construction d’aéronefs à Rue. « Mais à leurs yeuxil y a un problème avec l’hélice des Frères Caudron » nous explique Jean-Pierre Dehondt, président de l’Association Aéronautique Histoire de Méaulte (AAHM).

Ils décident alors de lancer leur propre société, baptisée Éclair, et s’installent au Faubourg Saint-Antoine, à Paris. « Car le quartier abrite des dizaines d’ébénistes. Or, rappelons-le, les hélices sont alors fabriquées en bois, c’est donc un choix délibéré » précise Jean-Pierre Dehondt, ancien salarié des usines aéronautiques de Méaulte, et auteur du livre Destins Croisés, le Trèfle et la Cigogne, un portrait de Potez et Dassault.

Une ascension « Éclair » pour le duo Potez – Dassault

Le duo va faire fabriquer et vendre quelque 7 000 hélices sous la marque Éclair. Nous sommes en pleine guerre, entre 1917 et 1918. « L’avion de Georges Guynemer, un as de l’aviation militaire, 53 victoires homologuées pendant la Première Guerre mondiale, est équipé des hélices conçues par Potez et Dassault » nous explique Jean-Pierre Dehondt.

« Durant cette période, Henry Potez et Marcel Dassault vont aussi concevoir le SEA 4. Un avion de chasse qui retient l’attention de l’armée de l’Air. Elle en commande 1 000. Les 100 premiers sont fabriqués puis le 101e appareil est livré le 11 novembre 1918, jour de l’Armistice. » Une bonne nouvelle pour l’humanité, mais un coup du sort pour les constructeurs, car l’armée annule la commande des 899 appareils restants.

Marcel Dassault décide de jeter l’éponge et se retire de l’affaire. Henry Potez, lui, va continuer l’aventure, seul. Animé par une géniale intuition, il fait le pari de l’aéropostale et de l’essor du tourisme.

L’aventure en solo et le retour au pays*

L’avionneur picard installe d’abord ses ateliers à Aubervilliers, puis à Levallois-Perret, en région parisienne. Mais très vite, se pose un problème de place. « Il décide alors de revenir à Méaulte, en pleine zone rurale. Grâce aux dommages de guerre perçus par ses parents, pour la destruction de leur Domaine du Vivier » où il a vu le jour, il achète des terrains. Et le 1er juillet 1922, il pose la première pierre de sa future usine« , raconte Jean-Pierre Dehondt.

« Commence alors une campagne de recrutement tous azimuts. Des vachers, des garçons coiffeurs, des paysans, des ébénistes, des couturières… Il forme son futur personnel sur place et crée l’une des usines les plus techniques et modernes du monde. Pour la petite anecdote, à l’époque, il n’était quasiment plus possible de se faire tailler un costume ou fabriquer un meuble, tout le monde était occupé à travailler pour Potez » s’amuse Jean-Pierre Dehondt.

Un projet fou, qui va pourtant porter ses fruits. Potez emploie jusqu’à 3 200 personnes. Et entre 1924 et 1940, il va vendre 7 000 avions dans le monde entier, estampillés de la fameuse cigogne, le logo des usines Potez à Méaulte. Il est omniprésent : le fret aérien, le courrier, le transport civil, les avions de chasse… Une success-story de l’entre-deux-guerres qui doit beaucoup à la personnalité de l’homme.

Un précurseur du management

« Compétence plus motivation, égale réussite. C’était le leitmotiv de Potez, le patron. Il appelait cela le management motivationnel » précise Jean-Pierre Dehondt. Potez, maire de Méaulte entre 1929 et 1940, puis d’Albert, de 1949 à 1961, ne parle pas d’ouvriers, mais de « compagnons« . Un terme toujours en cours aujourd’hui dans les ateliers d’Airbus Atlantic.

« Il est très investi dans le social », nous explique Monsieur Dehondt. « Il sera à l’origine de la première cantine en libre-service avec plateaux dans une usine française. Il fait construire un stade et une piscine, un service médical, met en place des transports pour les salariés de l’usine… » Mais en 1937, alors qu’à l’est les bruits de bottes se font à nouveau entendre, et comme toutes les entreprises vitales pour la France, l’usine Potez est nationalisée. Henry Potez reste au sein de l’usine et devient administrateur. Il faut dire que le site tourne à plein régime avec la sortie du « Potez 63 », un avion bombardier, de chasse et de reconnaissance. Il s’en fabrique une soixantaine par mois, un tous les deux jours ! Henry Potez semble animé par un sentiment d’urgence, il a compris la menace qui plane sur le monde.

1940 : le départ vers le sud de la France

En 1940, c’est la débâcle française face aux troupes allemandes qui ont envahi le territoire national. À Méaulte, l’usine Potez est bombardée deux fois et le site occupé par la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande. Les avions restés sur place seront même repeints aux couleurs de l’ennemi. Jean-Pierre Dehondt précise qu’alors, « Henry Potez refuse de travailler sous le régime de Vichy, collaborationniste. Il se réfugie dans le Sud, à Rayol, dans le Var, où il installe son bureau d’études. À l’époque, son administrateur financier s’appelle Abel Chirac, le père du futur président de la République, Jacques Chirac« .

Lorsque vient la Libération, en 1945, il rejoint Paris et achète l’usine Fouga, à Aire-sur-l’Adour, dans les Landes. Le site va produire en grande série le fameux « Fouga Magister », un avion à réaction biplace subsonique qui équipe notamment la Patrouille de France lors de ses voltiges aériennes.

Exemple de Fouga Magister belge, reconnaissable notamment grâce à son empennage arrière en V (avril 2018) • © Tandorini – Militaria Wiki

À la fin des années 60, les difficultés s’accumulent pour le groupe Potez, qui démantèle peu à peu ses unités. Aujourd’hui, de cette épopée aéronautique partie du cœur de la Somme, ne subsiste que l’entreprise Potez Aéronautique, dans les Landes. Y travaillent plus de 500 salariés spécialisés dans la fabrication d’aérostructures. Une entreprise dirigée par l’arrière-petit-fils d’Henry Potez, Antoine.

Un héritage considérable

L’avionneur meurt à Paris le 9 novembre 1981. À l’âge de 90 ans. Il aura travaillé jusqu’à ses 70 ans. Et c’est à Albert, la ville de son enfance, qui aura vu éclore son immense talent d’ingénieur et de meneur d’hommes, qu’il repose désormais.

« C’était son souhait » conclut Jean-Pierre Dehondt. « Le jour de ses funérailles, il y avait tellement de monde à la basilique d’Albert, que les gens venus lui rendre un dernier hommage débordaient sur le parvis… Et pour l’anecdote encore, la couronne mortuaire envoyée par son ami de toujours, Marcel Dassault, était si vaste, que l’on a eu du mal à la faire entrer dans l’église !« .

Ingénieur inventif, doté d’un instinct sûr, chef d’entreprise proche de ses salariés, Henry Potez est dans tous les esprits encore au Pays du Coquelicot. L’aéroport d’Albert a d’ailleurs été rebaptisé aéroport international Amiens Henry Potez en mars 2023 et les futurs professionnels de l’aéronautique sont formés au lycée professionnel privé Airbus Atlantic qui porte son nom, à Méaulte.

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Date
06/11/2023
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